Sunday 9 July 2017

Les étoiles-extraits-

''Il est pour la pensée une heure... une heure sainte, 
Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte, 
De l'absence du jour pour consoler les cieux, 
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux. 
On voit à l'horizon sa lueur incertaine, 
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne, 
Balayer lentement le firmament obscur, 
Où les astres ternis revivent dans l'azur. 
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière, 
Que cherche par instinct la rêveuse paupière, 
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit 
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ; 
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace, 
Les sème en tourbillons dans le brillant espace. 
L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois ; 
Les uns semblent planer sur les cimes des bois, 
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes 
Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles. 
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs, 
Comme un rocher blanchi de l'écume des mers ; 
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière, 
Déroulent à longs plis leur flottante crinière ; 
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi, 
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi, 
Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles 
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles 
Qui, revenant au port, d'un rivage lointain, 
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin.


De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage, 
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge ; 
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux, 
D'autres se sont perdus dans les routes des cieux, 
D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse, 
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse, 
Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés, 
Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés. 
Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme, 
Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme. 
Quel mortel enivré de leur chaste regard, 
Laissant ses yeux flottants les fixer au hasard, 
Et cherchant le plus pur parmi ce choeur suprême, 
Ne l'a pas consacré du nom de ce qu'il aime ? 
Moi-même... il en est un, solitaire, isolé, 
Qui, dans mes longues nuits, m'a souvent consolé, 
Et dont l'éclat, voilé des ombres du mystère, 
Me rappelle un regard qui brillait sur la terre. 
Peut-être ?... ah ! puisse-t-il au céleste séjour 
Porter au moins ce nom que lui donna l'Amour !"



Recueil : Nouvelles méditations poétiques (1823)

Alphonse de Lamartine (1790-1869)

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